samedi 19 décembre 2015

Après l'enfance... la Vieillesse en littérature ! - 4 décembre 2015



Deux billets dans le même mois, on va réussir à rattraper notre retard de publication !

Au début du mois de décembre, nous nous sommes donc réunis pour traiter de la manière dont on perçoit la vieillesse à travers la littérature et la manière dont celle-ci envoie des signaux vers la société. Enfin, je crois… On a eu quelques difficultés à cibler la problématique du jour. Histoire de donner un titre, je pioche celui-là :

 " Vieillesse en littérature, reflets de la société ?" 

Café un peu raccourci pour diverses raisons, nous avons démarré avec la présentation du travail d’une Gaëlle virtuelle dont les propos nous ont été fidèlement rapportés par Stéphane. 

Gaëlle nous a donc présenté, par écrits interposés, une série en deux tomes de Doris Lessing : « Les carnets de Jane Somers : Journal d’une voisine » et « Si vieillesse pouvait… ». 
 

Cette série nous fait découvrir l’improbable amitié qui va lier une quinqua dynamique – veuve et sans enfant – et une vieille femme seule, âgée et malade. A travers leur cohabitation, la plus jeune, fière de son indépendance et de l’organisation dont elle fait preuve en tout temps, va devoir remettre en question la lecture qu’elle a de sa propre vie tandis que la plus âgée tente de conserver son sentiment de dignité. Au fil des jours, une dépendance de l’une envers l’autre va se faire jour.
Dans le second tome, la plus jeune tombe amoureuse et voit à nouveau l’équilibre qu’elle a construit remis en question : la dépendance se transforme en complémentarité des âges, chacun ayant quelque chose d’essentiel à apporter à l’autre.

Gaëlle nous propose trois lectures possibles de ces œuvres : un jeune lecteur y trouvera une meilleure compréhension de ses aînés, un lecteur dans la force de l’âge une probable remise en question de sa capacité à aller vers les autres alors qu’il recherche ordre et cohérence et enfin, les lecteurs les plus âgés y puiseront sans doute la force de développer humour et tolérance pour démontrer leur valeur aux yeux des plus jeunes. 

Plusieurs réflexions nous ont guidés pendant cette présentation :

·         D’abord sur l’individualisme actuel dans la société. A l’instar de cette quinqua dynamique, la société actuelle incite à l’individualisme au détriment du groupe et de la relation à l’autre. Or si nous continuons dans cette voie, l’individu devient responsable à lui seul d’une très grande quantité de faits. Ce qui selon le sociologue Alain Ehrenberg mène un grand nombre d’individu à « La fatigue d’être soi » - essai sur la dépression et la société. En panne d’action dans le cadre familial et amical, l’individu se retrouve seul face à ses décisions et subit des contraintes énormes. 

·         Ensuite sur le regard que les individus dans la force de l’âge portent sur la vieillesse : avec Efisio, notre nouveau venu du mois !, nous avons évoqué la déchéance physique de l’homme âgé qui oblige son fils à faire face, à prendre soin de lui, à l’entourer avec beaucoup d’amour quand personne autour ne cherche à l’aider. « Misère de l’homme sous le regard de Dieu » de Romeo Castellucci a soulevé une forte vague de protestations à chacune de ses représentations : rapport à Dieu remis en question par une révolte contre son silence, scènes insupportables de ces excréments couvrant peu à peu la pièce ont conduit certains à l’excès, ces excès montrant bien à quel point notre société est mal à l’aise vis-à-vis de la vieillesse et de ce corps qui ne se contrôle plus.

·         Enfin, nous avons évoqué l’ordre et la cohérence que l’individu recherche pour ressentir un certain équilibre dans sa vie. Avec des constats : la simplification intellectuelle libère une charge énergétique, il faut pouvoir se faire accepter et accepter par l’autre ce qui nous conduit à nous adapter, et des questions : la reproduction des mêmes schémas conduit-elle vraiment à une assurance de solidité, de socle sûr et stable ?


Ce qui nous a amené à la lecture imposée de Stéphane (merci Gaëlle de nous avoir épargné une nouvelle lecture de « Le vieux qui lisait des romans d’amour » lol…) : « Eloge de la vieillesse » de Hermann Hesse, 
 

recueil de textes qui, à travers leur variété et les différents portraits et réflexions, amènent le lecteur à comprendre qu’il faut trouver une autre voie, un autre support que la cohérence et l’ordre pour continuer sur le chemin. 

J’ignore ensuite ce qui nous a fait dériver et revenir à ce regard intransigeant sur les "vieilles personnes"… Mais Efisio et Raphaël ont rebondi sur le changement de vie, en fin de vie *sic*, avec le film « Umberto D », de Vittorio De Sica, qui présente la vie d’un vieillard dont la retraite n’est pas suffisante pour vivre : garder son logement et manger. 
 
Cet homme cherche par tous les moyens à conserver sa dignité puis à court de possibles se tourne vers ses proches… qui lui tournent le dos. N’ayant plus de ressources, il envisage de se suicider mais son chien, seul compagnon qui lui reste, l’en empêche en se sauvant… Ce film engagé lance un véritable appel à la solidarité, dans une société où beaucoup restent centrés sur eux-mêmes, les animaux finissant par être les seuls compagnons des personnes âgées. 

Aucun espoir ? 

peut-être que si finalement…

Pour contrer cette ambiance un peu défaitiste – ou désespérante ? - il faut bien le dire, j’ai apporté avec moi « Et puis Paulette… » de Barbara Constantine qui nous présente une autre vision de la vieillesse. Une vieillesse certes bougonne et pleine de maux mais aussi un peu joyeuse et libérée ! Avec une approche différente puisque l’auteur, si elle y fait allusion, ne traite pas de la relation parents âgés-enfants adultes mais de la relation grands-parents/petits-enfants. De cette transmission familiale, de ce tiers qui ouvre les possibles dans la vie des personnes âgées et renoue le dialogue avec leurs propres enfants… L’auteure est d’ailleurs coutumière du genre puisqu’on retrouve la thématique dans « A Mélie, sans mélo » et « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom… »
 
Cela rejoint sans doute cette notion de vie collective, de solidarité, d’humour nécessaire en réponse à la problématique du « comment bien vieillir »…
 (Voilà, moi, je vous laisse là, d'autres priorités se sont glissées dans mon emploi du temps...)

La suite racontée par Raphaël…
La présentation par Vefa des deux romans de Barbara Constantine m’a une nouvelle fois permis d’élargir mon horizon littéraire… et de découvrir avec étonnement qu’il s’agissait tout simplement de la fille d’Eddie Constantine. Cet acteur avec une vraie « gueule » de cinéma m’avait épaté dans "Alphaville" (1965) de Godard avec la mystérieuse Anna Karina. Certes, il s’agit là d’une belle digression, qui n’a d’autre intérêt que de rappeler à quel point le cinéma de la nouvelle vague était littéraire (on lit beaucoup de poésie dans ce film de science-fiction) et que s’il me fallait une raison supplémentaire de lire Barbara Constantine, ce serait de sentir par-dessus mon épaule les yeux d’Eddie, de Jean-Luc et d’Anna se plonger dans l’histoire de ses personnages. Pas de vie de l’esprit sans vieilles références poussiéreuses.

L’une de nos interrogations de départ était de nous demander si la littérature contribuait ou non à véhiculer les stéréotypes de la vieillesse. Pour le meilleur (sagesse, transmission, distance vis-à-vis des futilités matérielles) et pour le pire (la décrépitude du corps, la perte de lien social, la fuite de la mémoire). En écoutant Vefa nous parler de Mélie et de Marceline, je sens que même si on ne peut pas facilement échapper à une partie de ces stéréotypes – sans doute parce qu’à l’approche de la mort une dimension universelle semble rapprocher les êtres – l’important est d’abord l’épaisseur et l’accent de vérité que la romancière a su donner à ses personnages. Or, j’ai comme l’impression que Vefa y a trouvé tout cela. A propos du roman "Et puis Paulette", (Yves Montand en mobylette ou Maître Gimms en bicyclette ?) Efisio a souligné à quel point l’intervention d’une tierce personne, ici une adolescente, peut faciliter le lien entre les générations. Ainsi selon lui lorsque des parents peinent à aborder certains sujets avec leurs enfants, la présence d’autres adolescents ou de grands-parents permet souvent faire passer le message en contrebande.

Restons auprès des anciens avec un livre de Pierre Rabhi présenté par Delphine (bien que Stéphane ait tenté de raconter l’histoire à sa place).
Ce récit intitulé "Le gardien du feu" établit la jonction entre le dernier thème sur l’enfance et celui-ci sur la vieillesse. J’oublie le sous-titre : Message de sagesse des peuples traditionnels. Stéréotypes disions-nous ? Non, car d’une part quand on est con, on est con et le temps ne fait rien à l’affaire (un certain ministre de l’économie très vieux aimera toujours que les jeunes rêvent d’être milliardaires et n’aura jamais la plume de Pierre Rabhi), et d’autre part, il s’agit du message des peuples traditionnels et pas seulement de l’auteur lui-même. 


A partir d’une histoire autobiographique et romancée, on suit l’itinéraire d’Ahmed destiné à devenir forgeron comme son père. Or, avec l’arrivée des multinationales dans un pays sans développement, mais non sans culture, le digne métier de forgeron dans une société de petits producteurs indépendants et complémentaires, remplissant chacun une fonction propre (ce que le sociologue Emile Durkheim appelle la solidarité organique), va être remplacé par une aliénation salariale. Pierre Rabhi en profite pour nous montrer combien la prédation d’une FMN et un modèle unique de développement centré sur la rationalisation du temps et l’exploitation des hommes et de la nature peut bouleverser un peuple, un environnement et faire disparaître un monde. Le père forgeron abandonnera donc sa condition de salarié opprimé, pour faire une palmeraie et retrouver une vie simple mais libre, que l’on pourrait qualifier de « sobriété heureuse ». Une façon pour Pierre Rabhi d’accorder à son père une belle revanche à titre posthume.

Stéphane nous a proposé un rapprochement entre le récit de Pierre Rabhi et "L’éloge de la vieillesse" d’Hermann Hesse. Dans le temps sans calendrier et sans véritables horaires de la vieillesse, la vie quotidienne peut prendre une dimension surréaliste et en devenant irrationnel (ce qui ne signifie pas que l’on est fou) le comportement peut devenir plus insouciant et libre. Nous serions ainsi esclaves de la rationalisation du monde, d’une course sans fin vers la performance et l’efficacité qui tel Sisyphe ne nous réserveraient que des vies absurdes. C’est en partant de là que l’on peut comprendre le mouvement « slow » qui vise à lutter contre le stress de la vie moderne. 

Et si la civilisation n’était ni dans le progrès technique, ni dans la domestication de la nature ? Et si la vérité était ailleurs ? (les fans trouveront).


 Nous nous sommes quittés sur une discussion autour de nos gouvernants dont l’âge avancé et la soif de pouvoir  évoquent une possible gérontocratie. Si certains économistes et sociologues font en effet des inégalités générationnelles une nouvelle clef de lecture des rapports de pouvoir au sein de nos sociétés, il ne faudrait pas oublier que les rapports de classes sont toujours bien présents et qu’ils transcendent les générations. La grande bourgeoisie n’a pas d’âge : elle se nourrit du monde et le façonne à son image.

lundi 14 décembre 2015

L'enfance dans la littérature - 6 novembre 2015

    La réunion mensuelle du vendredi 6 novembre portait sur "L'enfance dans la littérature". Cette thématique, suggérée par François, nous a permis de réunir une dizaine de participants et d'accueillir Léa qui avait eu l'occasion de prendre contact avec nous lors de la soirée de jeux de société.

    C'est donc autour d'une grande table animée que nos discussions se sont engagées sur un thème tellement riche qu'il était évident que nous n'en ferions pas le tour. J'ose à peine lister quelques grands absents de cette soirée (Peter Pan était retenu par le Capitaine Crochet et a envoyé un mot d'excuse par l'intermédiaire de la fée Clochette, Momo devait aider Mme Rosa à faire ses courses et à repriser ses bas, Jim Hawkins était en cuisine avec Long John Silver...) qui nous retrouveront peut-être par le biais d'autres thèmes.

    Aymé nous a présenté le roman de William Golding, Sa Majesté des mouches, dans lequel une bande de garçons découvre la vie sauvage sur une île à la suite d'un naufrage. Deux tempéraments, deux personnalités, vont très vite s'opposer et permettre à l'auteur de confronter le civilisé au primitif, l'organisation et le compromis à la violence. Avec Stéphane et Delphine notamment, nous nous sommes interrogés sur les liens à tisser entre ce roman et la vision de l'homme naturellement bon portée par Jean-Jacques Rousseau. D'où vient la violence d'une partie de ces préadolescents ? Le désir mimétique (l'envie universelle chez l'homme de posséder ce que l'autre a déjà), la soif de pouvoir peuvent-ils en être les explications ? Delphine nous met sur cette piste en évoquant la mort du philosophe et anthropologue René Girard deux jours plus tôt, le 4 novembre.

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                                                                                        Découvrir René Girard (1923-2015)

    Pas de doute, ce roman allégorique sonde la nature humaine et l'histoire des sociétés. Aymé a su nous donner l'envie de le lire et, pour faire écho à l'un de nos thèmes précédents, de (re)voir l'adaptation cinématographique de Peter Brook (1963).

  Sur d'autres terrains littéraires, celui de la bande-dessinée d'abord, celui de la poésie ensuite, Stéphane  (celui du "Vieux qui lisait les romans d'amours", vous suivez ?) nous a emmené vers le Quartier lointain de Jirô Taniguchi et les textes de Jacques Prévert. Dans ce magnifique manga japonais (ne dites plus que vous détestez les mangas, ça ne veut rien dire au regard de la richesse et de la diversité de ce mode d'expression artistique), un homme d'âge mûr se trompe de train et se retrouve dans le village de son enfance. Parti se recueillir sur la tombe de sa mère, il se réveillera à la suite d'un évanouissement... dans la peau de l'adolescent de 14 ans qu'il était quelques décennies plus tôt. En revivant un été charnière de sa vie familiale, il tentera de changer le cours des choses et de mieux comprendre son père. Là aussi une adaptation cinématographique a été réalisée (par le cinéma français !) et ce manga a peut-être inspiré Noémie Lovovsky pour son très beau film Camille redouble (2012). Ce manga japonais présente un style très réaliste et très européen - son auteur est un adepte de la ligne claire - et il procure une émotion inoubliable. 

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Quartier lointain - édition intégrale chez Casterman

    Dans un ordre pas toujours facile à retrouver, tant nos digressions habituelles nous ont emmené de sauts en gambades à refaire une fois de plus ce monde qui nous satisfait peu (il a beaucoup été question d'éducation, et de la place - introuvable ? - des intellectuels de gauche aujourd'hui), Léa nous a parlé d'un beau roman de François Garde : Ce qu'il advint du sauvage blanc (Goncourt du premier roman en 2012). Nos échanges sur l'anthropologie et la nature humaine ont amené Léa à nous parler de ce récit d'aventures et d'acculturation dans lequel un jeune matelot, Narcisse Pelletier, abandonné sur une plage d'Australie par son équipage, devra se frotter à la culture aborigène et découvrir d'autres modes de vie, d'autres perceptions du monde après avoir été relégué au rang des enfants. Lorsque 17 ans après son naufrage il sera de nouveau en contact avec la civilisation occidentale, il fera l'objet de recherches scientifiques l'arrachant à sa nouvelle communauté d'adoption. On peut lire sur le site Persée un article de 1880 sur la véritable vie de Narcisse Pelletier.

    Gaëlle avait une telle soif de littérature et de verres - pardon de vers - ce soir là, qu'elle a contenu le pouvoir digressionnaire de la bande par une bien belle Bd assurant le meilleur retour en enfance : De cape et de crocs de Alain Ayroles (scénario) et Jean-Luc Masbou (dessin). Avec un habile rebond sur le thème précédent dédié au théâtre et à Cyrano de Bergerac, Gaëlle nous emmène dans les aventures de cape et d'épée d'un renard gascon et d'un loup espagnol qui déclament des vers entre deux histoires d'amours et deux duels, Les albums ramenés par Gaëlle nous ont permis d'admirer les dessins somptueux, et de vite comprendre que la trame basique d'une chasse au trésor allait permettre aux auteurs de nous régaler de références classiques (La Commedia Dell'arte, La Fontaine, Molière, Cyrano) et de clins d’œil à la littérature d'aventures ou fantastique (L'île au Trésor - ah quand même !  Les trois mousquetaires, Les voyages de Gulliver). Bref, cela sent bon comme un civet de lapin et il faudrait être incapable de s'émouvoir de la beauté de la lune pour passer à côté d'un tel chef d'oeuvre du 9e art. Tristan et Delphine n'étaient d'ailleurs pas loin de s'installer confortablement pour mieux en savourer les pages.

         De cape et de crocs tome 8     De cape et de crocs tome 6     De cape et de crocs tome 9

    Geneviève a pris le relais pour nous emmener du côté de la littérature jeunesse. Très bonne idée quand on connaît mal comme moi la richesse des romans jeunesse. L'Oasis de Xavier-Laurent Petit a paru à l'Ecole des loisirs dans la collection medium destinée aux adolescents. Cette fiction  au cœur de l'Algérie du début des années 90 met un jeune collégien, Elmir, aux prises avec un pays en guerre, entre attentats et menaces à l'égard de la liberté de la presse - son père est journaliste - ou de la culture - sa mère étant bibliothécaire. On suit donc les inquiétudes quotidiennes d'Elmir, qui soupçonne aussi son meilleur ami d'être passé du côté des "Combattants de l'ombre" et donc du terrorisme. Nul doute que ce roman, qui a reçu en 1998 le prix du roman historique pour la jeunesse, est une habile manière d'entrer en empathie avec tous les adolescents du monde confrontés à la guerre et à l'instabilité politique de leur pays. Geneviève nous a également conseillé Be safe du même auteur, livre qui décrit comment l'armée américaine va recruter un adolescent de 18 ans d'une famille modeste pour en faire un soldat et l'envoyer en Irak. Jérémy gardera contact par mail avec ses amis restés aux pays profiter de leur jeunesse en terminant chaque message par la même formule : be safe. Je vous propose une courte vidéo pour découvrir Xavier-Laurent Petit qui parle de son travail d'écrivain à des élèves d'une classe de primaire.

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   Que les gourmands se rassurent, notre tour d'horizon n'est pas tout à fait fini. Pour ma part j'avais saisi l'occasion de ce thème pour enfin découvrir Italo Calvino, écrivain et philosophe italien du XXe siècle. C'est donc avec Le baron perché que nous avons terminé cette soirée dédiée à l'enfance dans la littérature. Ce livre se situe au milieu d'une trilogie qui débute avec Le Vicomte pourfendu (1952) et s'achève avec Le chevalier inexistant (1959). Il s'agit du récit de la vie de Côme qui de ses 12 ans à sa mort décida de vivre dans les arbres pour vivre à côté des hommes tout en se réservant la possibilité d'affirmer sa liberté. Ce beau texte classique débute quelques années avant la Révolution française de 1789 et s'achève un peu après. Côme aura eu le temps de défier les conformismes de la noblesse, de lire des philosophes de son temps, de vivre sa passion amoureuse au creux des branches (pages d'un subtil érotisme) et de proposer à ses contemporains un projet de Constitution dont je vous laisse lire quelques lignes :

Dire qu'en ce temps là Côme avait rédigé et répandu un "Projet de Constitution d'une Cité Républicaine, avec Déclaration des Droites des Hommes, des Femmes, des Enfants, des Animaux domestiques et sauvages, y compris les Oiseaux, les Poissons, les Insectes et les Plantes, tant Arbres de Haute Futaie que Légumes et que Près"! C'était un fort bel ouvrage, qui pouvait servir de guide à toute espèce de gouvernants ; mais nul ne le prit au sérieux et il resta lettre morte.

    Nul doute que ce texte aurait pu inspirer les signataires de l'accord de la COP21 qui, tout en étant loin du compte, semblent avoir arraché un compromis politique historique pour préserver le climat et la planète. Côme, l'alter ego d'Italo Calvino, doit contempler cette Terre avec un mélange d'espoir et d'amertume. 

    La soirée a donc une nouvelle fois été bien remplie et tout le monde n'a pas eu le temps de présenter son livre. Delphine reprendra donc le flambeau écologique dès la prochaine séance avec un livre de Pierre Rabhi faisant la jonction entre le thème de l'enfance et celui de la vieillesse : Le gardien du feu. Ce pionnier de la décroissance et de l'agroécologie peut être écouté sur le site de France Culture.


Bonnes lectures à toutes et à tous
Raphaël


Pour aller + loin :

Dans son émission "ça peut pas faire de mal" sur France Inter, Guillaume Gallienne a consacré une lecture au roman d'Italo Calvino, Le Baron perché (ici).


lundi 26 octobre 2015

Le Théâtre - vendredi 2 octobre 2015


Le Théâtre

 compte rendu fait par Geneviève

Relecture et publication: Raphaël, Stéphane et Delphine.



Le thème de cette soirée était « Le théâtre » avec en question subsidiaire  « Faut-il lire le théâtre ? ».
Nous avions pour mission de lire – en entier, si, si ! :
« Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand.

« C'est un roc ! . .. c'est un pic ! . . . c'est un cap ! »
Je  vous l’annonce tout de suite : inutile de le lire en entier, la fameuse tirade sur le nez se situe au tout début de la pièce ! Quelle déception ! Nous avons été plusieurs à trouver ce fait étrange alors qu’il est dans le texte, à bien d’autres endroits, des mots tout aussi percutants. Nous nous sommes demandés pourquoi cette tirade est si célèbre sans trouver de réponse satisfaisante…
La suite de la conversation m’a appris que Monsieur de Bergerac était un être bien réel, contemporain de Molière. Ce qui explique cette référence au fait que Molière aurait repris une scène complète écrite par Cyrano pour « Les Fourberies de Scapin ».
On remarque d’ailleurs que l’auteur, Edmond Rostand, a ainsi glissé plusieurs « clins d’œil » dans ses scènes : nous retrouvons donc D’Artagnan, le fameux mousquetaire ainsi que Don Quichotte, le fameux chevalier qui oublie que les moulins ont des bras. Stéphane nous signale également qu’il reprend les textes de Cyrano, son héros lorsqu’il fait allusion à la chute du héros depuis la lune pour arriver aux pieds du Comte de Guiche.
Mais Cyrano, qui est-il ? Quel type de héros Edmond Rostand nous a-t-il fait rencontrer ?
A l’unanimité, Cyrano de Bergerac est le type même du héros maudit : il s’attache à l’excellence et peu lui importe les honneurs. Son talent pour la belle langue pourrait lui donner du pouvoir dans sa société mais il refuse de se laisser tenter pour conserver son intégrité. Ce qui nous amène à deux réflexions : il veut tout maîtriser donc il ne laisse pas ses textes à d’autres et il ne s’attache pas à l’aspect matériel pour ne pas oublier qui il est. En s’attachant aux choses, on oublie ce qu’est le vrai don.
Il montre également un certain esprit du genre, reléguant les femmes au rôle de muse et les renvoyant dès lors qu’elles feraient preuve d’esprit critique : « Inspirez nous des vers mais ne les jugez pas » dans le premier acte. A moins que ce ne soit l’état d’esprit de l’époque qui eut voulu cette réplique : Aymé nous fait remarquer qu’un sondage réalisé auprès des spectateurs de l’époque proposait ainsi aux femmes de choisir le héros qu’elles avaient préféré quand il demandait aux hommes de choisir le héros qu’ils auraient voulu être…
Evidemment, tout cela ne nous a pas laissé(e)s indifférent(e)s et je vous donnerai juste une indication sur les légers détours : « Pierre Bourdieu avait-il une famille ? »  « Ou payait-il du petit personnel ? » …
Nous avons tout de même relevé que Roxane est l’héroïne à part entière de cette pièce et qu’elle prend toute sa place au siège d’Arras, montrant une jeune femme déterminée et pas seulement une précieuse. Un débat s’engage tout de même de savoir si elle aurait pu réellement aimer Cyrano ? Etait-ce un sentiment vrai ou une illusion ? Celui qu’elle aimait était-il un être irréel composé des deux hommes, Christian le beau et Cyrano le talentueux ou n’était-ce que l’intelligence de Cyrano qui l’attirait ? Peut-on aimer quelqu’un sans apprécier son apparence physique ? Les avis sont assez partagés…

La première étape du décryptage de l’œuvre étant passée, Raphaël a lancé l’offensive avec notre question subsidiaire :
« Faut-il lire du théâtre ? »
Une première réaction est que la mise en place des différentes scènes est plutôt longue et rébarbative. Surtout dans Cyrano et surtout au premier acte. Il faut donc persévérer pour profiter pleinement de sa lecture. Mais la lecture en alexandrins est une richesse qui nous amènerait peut-être à parler ainsi au quotidien… Sauf que les conversations deviendraient alors difficiles, bien que ça paraisse couler de source dans la bouche du héros, nous imaginons le temps qu’il aura fallu à Edmond Rostand pour les écrire… Donc finalement non.
Et les autres pièces de théâtre alors ? Lire du théâtre n’est pas une activité de lecture en soi pour la plupart : les lecteurs de pièces du groupe lisent plutôt pour préparer une représentation. Certaines sont plus simples à lire que d’autres, plus ou moins contraignantes pour jouer, mais lire permet de préparer un rôle, le sien ou celui de quelqu’un d’autre… L’interprétation des acteurs donne alors toute sa valeur à la pièce et le jeu peut différer selon les troupes et donner à voir des pièces vraiment différentes. Le regard du metteur en scène prend alors toute son importance.
Ce qui nous amène d’ailleurs aux interprétations actuelles de « Roméo et Juliette » ou de l’opéra « Tristan et Iseult » dont les versions sont très enrobées pour le grand public alors que l’œuvre originale est plutôt noire. Aymé fait remarquer que le problème des œuvres très connues, c’est que les spectateurs connaissant la fin de l’histoire, la mise en scène est cruciale pour garder tout l’intérêt du texte.
Lire du théâtre est donc soumis à une double contrainte : s’approprier le texte et ensuite le mettre en scène pour capter l’attention du public. Le genre est très divers contrairement à ce qu’on pourrait penser et nos lecteurs lisent des œuvres différentes :
- des textes plutôt basés sur la nostalgie campagnarde pour nos acteurs de la troupe de Le Verger, Tristan et sa compagne : « La bonnetière de mémé » de Georges Mallet




- des textes politiques et sociaux pour Raphaël et Gaëlle : Valère Novarina ou Bernard-Marie Koltès pour Gaëlle ; Tchekov pour Raphaël (« Les trois sœurs » et « La Mouette », qui ont été repris au cinéma avec des interprétations très différentes de l’ambiance du livre), Emmanuel Roblès (Montserrat) ou encore Harold Pinter.
     



 


Certains textes sont très contemporains : « D’un retournement l’autre » de Frédéric Lordon pose un regard acéré sur la crise financière, avec un dialogue entre les banquiers et la Présidence de la République. Gaëlle nous a également présenté le travail de Loïc Choneau (auteur rennais) qui écrit et met en scène des pièces réalisées à partir d’entretiens : « Je te veux impeccable ! – une histoire de violences conjugales- » est en tournée dans l’ouest actuellement (les dates ici)


 


Le théâtre laisse transparaître l’environnement socio-politique de l’époque à  laquelle il a été écrit : même dans la fiction de la pièce, on retrouve la réalité.
Enfin, nos échanges autour du théâtre se terminent avec  les saynètes, mises en scène courtes et accessibles au plus grand nombre : Roland Dubillard et « Diablogues » dont le format très court permet un accès et une réflexion avec des jeunes : extrait
Nous rappelons que l’Espace Jeunes de Le Verger propose cette année une activité théâtre le vendredi soir à 19h.
Ainsi se termine le compte-rendu de notre réunion mensuelle encore un peu long… Qu’il est difficile de faire des coupes dans nos échanges ! Cela  donne l’impression que nous avons été hyper sérieux tout au long de ce café littéraire… Alors pour modérer cette impression, voici quelques à-côtés que j’ai dû couper au montage :
- « Pourquoi le chat ronronne ? » … si vous voulez la réponse, demandez à Gaëlle, je suis sûre qu’elle l’a retenue
- « Pierre Bourdieu avait-il une famille ? » … là, c’est Raphaël qui cherche toujours la réponse, je crois…
- « et les anti-héros ? », on en reparlera avec François la prochaine fois…
- taffetas, liberty, et potager ont également eu une belle place !
- et je ne peux oublier le dialogue hallucinant de Delphine et Stéphane ou les vaines tentatives de Stéphane2 pour aider Raphaël à accéder aux notions scientifiques du genre humain…

Pour la prochaine séance, François, nous ayant rejoint en fin de réunion, a émis le souhait de travailler sur l’Enfance dans la littérature. Ce sera donc le prochain thème, assez transversal qui devrait nous apporter une belle diversité d’ouvrages. Alors si vous souhaitez vous joindre à nous, n’hésitez pas : ce sera le vendredi 6 novembre. A 20 heures, hein, Gaëlle ?

jeudi 27 août 2015

La Bande-dessinée de guerre et de reportage (compléments)

La Bande-dessinée de guerre et de reportage
(suite)

 

Pour enrichir le précédent article lié à notre rencontre du 6 juillet autour de la bande-dessinée de reportage, nous vous proposons différentes ressources apportant des éclairages complémentaires.


* Un article paru dans le journal Télérama n°3158 du 21 juillet 2010.

article Télérama partie 1
article Télérama partie 2

* Un site très bien fait proposant une étude détaillée du reportage de Mark Daniels dont nous avons vu des extraits.
site Alliance Sud

* Un power point conçu par nos soins pour retrouver les principaux auteurs de bande-dessinée que le documentaire aborde et la fiche-mémoire sur ces auteurs.
Power Point La Bd s'en va-t-en guerre
Fiche-mémoire sur les auteurs




Bonne lecture à tous et pensez à la bibliothèque car certaines bandes-dessinées citées y sont disponibles (Maus, La balade de Yaya, L'Arabe du futur...)

L'équipe du café littéraire


PS : Merci à Philippe d'avoir apporté ses compétences pour créer les liens vers les fichiers ;)