Par Raphaël, avec les relectures attentives de Stéphane et Delphine.
Réunion du lundi 6 juillet 2015
Pour cette
dernière réunion avant les vacances d’été, nous avions décidé d’organiser un café-Bd en deux parties : la
première à l’espace jeunes avec l’aide de Jean-Philippe et de Pauline, la
seconde à notre fidèle QG du P’tit bonheur où François et Elena nous ont
accueillis avec toujours autant de
chaleur.
C’est donc d’abord vers 18h que nous nous sommes retrouvés à l’espace jeunes pour visionner des extraits d’un film documentaire sur la Bd (La Bd s’en va-t-en guerre de Mark Daniels) et en débattre entre générations ; le but de cette séance étant de réunir adolescents et adultes autour de la Bd engagée et plus spécialement de la BD de reportage et de guerre.
C’est donc d’abord vers 18h que nous nous sommes retrouvés à l’espace jeunes pour visionner des extraits d’un film documentaire sur la Bd (La Bd s’en va-t-en guerre de Mark Daniels) et en débattre entre générations ; le but de cette séance étant de réunir adolescents et adultes autour de la Bd engagée et plus spécialement de la BD de reportage et de guerre.
Disons le
simplement : nous n’avons pas fait le plein d’ados comme nous l’espérions
puisque seuls Tristan, Victor, Ismaël et Noah ont répondu présent. Merci à
eux ! On peut toutefois voir le verre à
moitié plein plutôt qu’à moitié vide et conserver la même foi qui nous
anime depuis ce soir de janvier 2015 et notre premier « succès
renversant » : nous semons des graines de culture, que chacun
accueille selon des envies du moment, avec l’espoir qu’elles germeront ici ou
là, aujourd’hui ou (après) demain.
Les bonnes
surprises sont venues du côté des « grands » : avec sa 3e
participation consécutive Tristan a complété sa carte de fidélité déjà bien
remplie et a signé un superbe hat-trick
que les amateurs apprécieront. Cyril, dessinateur de manga et ami de Stéphane
n’a pas manqué le rendez-vous et surtout le cercle s’est agrandit puisque nous
avons eu le plaisir d’avoir Catherine (venue comme Cyril et Delphine avec de
bien belles Bd !) et Philippe parmi nous.
Drôle d’idée
de lire des Bd de guerre… Ne sommes-nous pas suffisamment envahis au quotidien
d’images violentes des différents conflits (Afghanistan, Russie/Ukraine,
Israël/Palestine, Syrie, Irak) et attentats terroristes qui donneraient plutôt
envie, selon la formule de Stéphane Eisher de « déjeuner en paix ». Sauf qu’une Bd de guerre n’a rien à voir
avec un reportage de 2mn du journal de 20h, pris entre la hausse des prix des
légumes et les résultats de foot de PSG. Et encore moins l’image ludique de la
guerre diffusée par les jeux vidéos ou les films à grands spectacles. Une Bd de
guerre est une plongée lente et contextualisée au sein d’un conflit, au sein
d’une population civile, à la découverte d’une culture, d’un pays, de ses
paysages, de son histoire, de ses enfants martyres. Comme l’indique Patrick Chappatte, dessinateur-reporter
pour le journal suisse Le Temps,
« c’est à travers une personne, c’est à travers un mort, qu’on comprend
une catastrophe collective ». Les deux maîtres mots de la Bd de guerre
sont alors subjectivité (le conflit
passe par le regard du dessinateur et par la voix des victimes qu’il fait
témoigner) et empathie (se mettre à
la place de l’autre, pour ressentir d’aussi loin que l’on se trouve quelles
peuvent être ses émotions, ses peurs, ses joies liées à ses conditions
d’existence).
Le
documentaire aborde ainsi différents conflits à travers le travail d’une
douzaine de dessinateurs-trices. Les principaux conflits contemporains (Irak,
Afghanistan, Israël-Palestine), mais aussi les horreurs des guerres passées (la
Shoah, Hiroshima, la guerre en Bosnie, le conflit Liban-Irak, la révolution
islamiste iranienne). Que représentent-ils pour nous aujourd’hui au-delà de
quelques chiffres, dates et images de livres d’histoire ? Keiji Nakasawa a vécu à 6 ans l’horreur
de la bombe atomique lancée sur la population civile d’Hiroshima. Un bilan de
80 000 morts, et l’image d’un champignon atomique c’est très abstrait.
Alors quand il dessine dans un manga, Gen d’Hiroshima, son histoire
personnelle, le lecteur est pris de terreur à la vue de ses êtres dessinés aux
corps en train de fondre. « Je voudrais que les jeunes lisent Gen
d’Hiroshima et qu’ils réfléchissent à l’horreur de la guerre et de la bombe
atomique. » écrivait K. Nakasawa (1939-2012) peu de temps avant son décès.
Keiji Nakasawa
La discussion
engagée par Tristan et Philippe sur l’impact des images du manga en comparaison
des images filmées des rescapées de la bombe atomique montre que son vœu ne
restera pas lettre morte.
Que reste-t-il
d’une première incursion dans la Bd de reportage ? D’abord l’idée – la
trace - pour les ados et pour les néophytes de ce genre littéraire, que la Bd
est un art à part entière qui peut aborder les sujets les plus graves et les
plus sérieux. Quand Maus d’Art
Spiegelman – qui traite de la Shoah - reçoit le prestigieux prix Pulitzer
en 1992, la Bd acquiert d’un seul coup une légitimité nouvelle qu’on ne lui
avait jamais accordée. Ensuite, que la guerre fait surtout des victimes parmi
les populations civiles, et que seul un travail de terrain permet de faire
exister ces souffrances et drames invisibles. Enfin, que la Bd de guerre est
une porte d’entrée vers la connaissance, car si, comme le dit Joe Sacco, personne n’aurait le courage
d’ouvrir un essai de plusieurs centaines de pages sur les techniques de
torture, la force visuelle d’une Bd et l’empathie pour ses personnages peut
nous intéresser à ce sujet.
***
Après cette
riche introduction sur la Bd de guerre, nous nous sommes retrouvés entre
adultes au P’tit bonheur vers 20h30 pour prolonger la discussion… et animer le
débat d’un bon verre de cidre ou d’une bière du pays. Nous y avons été rejoints
par Gaëlle et Aimé, autres fidèles du rdv littéraire de Le Verger, et par
François qui a su trouver du temps pour nous accompagner dans nos échanges et
inévitables digressions. Une tablée d’une dizaine de personnes un soir d’été,
réunies par l’envie de partager des lectures, des films et des points de vue
sur l’histoire ou sur la vie c’est un beau cadeau qu’il faut savoir
apprécier ! C’est donc au milieu d’un bel enthousiasme que François nous a
parlé de la Bd Il était une fois en France, dont le tome 1 est à la
bibliothèque. Cette série en 6 tomes qui raconte l’histoire trouble d’un
affairiste pendant la seconde guerre mondiale mérite le détour. Que Cyril et
Stéphane aient connu au lycée le dessinateur Sylvain Vallée n’en est que plus
attachant.
De son côté
Aimé a mis à l’honneur les Idées noires de Franquin, tandis que
Delphine, fibre écologique oblige, nous
a fait rire avec Il faut tuer José Bové de Jul (l’auteur de Silex and
the City). Catherine a fait prendre l’air à sa bdthèque. Si elle lit ce blog,
je voudrais qu’elle sache que même en ne l’ayant côtoyé qu’une petite soirée,
j’ai déjà une grande affection pour la lectrice éclairée qu’elle est. Imaginez
sur une table Palestine (Joe Sacco), Le cri du peuple (Tardi), Là
où vont nos père (Shaun Tan), Le photographe (Guibert-Lefèvre),
d’autres albums du même tonneau (Astérix chez les Bretons…) et une Bd sur le
Chili dont je n’ai malheureusement pas noté le titre et l’auteur, et vous aurez
un bon portrait crayonné de Catherine.
Ça
y est, j’ai écrit plus de deux pages et on me dit déjà que je ne serai pas lu.
Trop long bien sûr. J’abrège alors en regrettant de ne pas avoir abordé les
digressions sur la collection bd-jazz, sur les films de John Cassavetes et de
Wim Wenders, sur nos réflexions sur l’antisémitisme d’hier à aujourd’hui, sur
le théâtre et sur tout ce que j’ai loupé en bout de table ou tout ce qui ne me
revient plus alors que mes doigts dansent sur le clavier.
En
quittant le bar nous nous sommes attardés dans la douceur du soir pour discuter
du prochain café-littéraire. Le thème du théâtre pour la rentrée ? Pourquoi
pas... Une lecture d’été commune est suggérée : Cyrano de Bergerac. Une soirée
jeux est également en préparation avec François. Bref, des projets plein la
tête pour occuper l'été.