Le Théâtre
compte rendu fait par Geneviève
Relecture et publication: Raphaël, Stéphane et Delphine.
Le thème de cette soirée
était « Le théâtre » avec en question subsidiaire « Faut-il lire le théâtre ? ».
Nous avions pour mission de
lire – en entier, si, si ! :
« Cyrano
de Bergerac » d’Edmond Rostand.
« C'est un roc ! . .. c'est un pic ! . . .
c'est un cap ! »
Je vous l’annonce tout de suite : inutile de
le lire en entier, la fameuse tirade sur le nez se situe au tout début de la
pièce ! Quelle déception ! Nous avons été plusieurs à trouver ce fait
étrange alors qu’il est dans le texte, à bien d’autres endroits, des mots tout
aussi percutants. Nous nous sommes demandés pourquoi cette tirade est si
célèbre sans trouver de réponse satisfaisante…
La suite de la conversation
m’a appris que Monsieur de Bergerac était un être bien réel, contemporain de
Molière. Ce qui explique cette référence au fait que Molière aurait repris une
scène complète écrite par Cyrano pour « Les Fourberies de Scapin ».
On remarque d’ailleurs que
l’auteur, Edmond Rostand, a ainsi glissé plusieurs « clins d’œil »
dans ses scènes : nous retrouvons donc D’Artagnan, le fameux mousquetaire
ainsi que Don Quichotte, le fameux chevalier qui oublie que les moulins ont des
bras. Stéphane nous signale également qu’il reprend les textes de Cyrano, son
héros lorsqu’il fait allusion à la chute du héros depuis la lune pour arriver
aux pieds du Comte de Guiche.
Mais Cyrano, qui est-il ? Quel type de héros Edmond
Rostand nous a-t-il fait rencontrer ?
A l’unanimité, Cyrano de
Bergerac est le type même du héros maudit : il s’attache à l’excellence et
peu lui importe les honneurs. Son talent pour la belle langue pourrait lui
donner du pouvoir dans sa société mais il refuse de se laisser tenter pour
conserver son intégrité. Ce qui nous amène à deux réflexions : il veut
tout maîtriser donc il ne laisse pas ses textes à d’autres et il ne s’attache
pas à l’aspect matériel pour ne pas oublier qui il est. En s’attachant aux
choses, on oublie ce qu’est le vrai don.
Il montre également un
certain esprit du genre, reléguant les femmes au rôle de muse et les renvoyant
dès lors qu’elles feraient preuve d’esprit critique : « Inspirez nous
des vers mais ne les jugez pas » dans le premier acte. A moins que ce ne
soit l’état d’esprit de l’époque qui eut voulu cette réplique : Aymé nous
fait remarquer qu’un sondage réalisé auprès des spectateurs de l’époque
proposait ainsi aux femmes de choisir le héros qu’elles avaient préféré quand
il demandait aux hommes de choisir le héros qu’ils auraient voulu être…
Evidemment, tout cela ne
nous a pas laissé(e)s indifférent(e)s et je vous donnerai juste une indication
sur les légers détours : « Pierre Bourdieu avait-il une
famille ? »
« Ou payait-il du petit personnel ? » …
Nous avons tout de même
relevé que Roxane est l’héroïne à part entière de cette pièce et qu’elle prend
toute sa place au siège d’Arras, montrant une jeune femme déterminée et pas
seulement une précieuse. Un débat s’engage tout de même de savoir si elle
aurait pu réellement aimer Cyrano ? Etait-ce un sentiment vrai ou une
illusion ? Celui qu’elle aimait était-il un être irréel composé des deux
hommes, Christian le beau et Cyrano le talentueux ou n’était-ce que
l’intelligence de Cyrano qui l’attirait ? Peut-on aimer quelqu’un sans
apprécier son apparence physique ? Les avis sont assez partagés…
La première étape du
décryptage de l’œuvre étant passée, Raphaël a lancé l’offensive avec notre
question subsidiaire :
« Faut-il lire du
théâtre ? »
Une première réaction est
que la mise en place des différentes scènes est plutôt longue et rébarbative.
Surtout dans Cyrano et surtout au premier acte. Il faut donc persévérer pour
profiter pleinement de sa lecture. Mais la lecture en alexandrins est une
richesse qui nous amènerait peut-être à parler ainsi au quotidien… Sauf que les
conversations deviendraient alors difficiles, bien que ça paraisse couler de
source dans la bouche du héros, nous imaginons le temps qu’il aura fallu à
Edmond Rostand pour les écrire… Donc finalement non.
Et les autres pièces de
théâtre alors ? Lire du théâtre n’est pas une activité de lecture en soi
pour la plupart : les lecteurs de pièces du groupe lisent plutôt pour
préparer une représentation. Certaines sont plus simples à lire que d’autres,
plus ou moins contraignantes pour jouer, mais lire permet de préparer un rôle,
le sien ou celui de quelqu’un d’autre… L’interprétation des acteurs donne alors
toute sa valeur à la pièce et le jeu peut différer selon les troupes et donner
à voir des pièces vraiment différentes. Le regard du metteur en scène prend
alors toute son importance.
Ce qui nous amène d’ailleurs
aux interprétations actuelles de « Roméo et Juliette » ou de l’opéra
« Tristan et Iseult » dont les versions sont très enrobées pour le
grand public alors que l’œuvre originale est plutôt noire. Aymé fait remarquer
que le problème des œuvres très connues, c’est que les spectateurs connaissant
la fin de l’histoire, la mise en scène est cruciale pour garder tout l’intérêt
du texte.
Lire du théâtre est donc
soumis à une double contrainte : s’approprier le texte et ensuite le
mettre en scène pour capter l’attention du public. Le genre est très divers
contrairement à ce qu’on pourrait penser et nos lecteurs lisent des œuvres
différentes :
- des textes plutôt basés
sur la nostalgie campagnarde pour nos acteurs de la troupe de Le Verger,
Tristan et sa compagne : « La bonnetière de mémé » de Georges Mallet
- des textes politiques et
sociaux pour Raphaël et Gaëlle : Valère Novarina ou Bernard-Marie Koltès
pour Gaëlle ; Tchekov pour Raphaël (« Les trois sœurs » et
« La Mouette », qui ont été repris au cinéma avec des interprétations
très différentes de l’ambiance du livre), Emmanuel Roblès (Montserrat) ou
encore Harold Pinter.
Certains textes sont très
contemporains : « D’un retournement l’autre » de Frédéric Lordon
pose un regard acéré sur la crise financière, avec un dialogue entre les
banquiers et la Présidence de la République. Gaëlle nous a également présenté
le travail de Loïc Choneau (auteur rennais) qui écrit et met en scène des
pièces réalisées à partir d’entretiens : « Je te veux impeccable ! –
une histoire de violences conjugales- » est en tournée dans l’ouest
actuellement (les dates ici)
Le théâtre laisse transparaître
l’environnement socio-politique de l’époque à
laquelle il a été écrit : même dans la fiction de la pièce, on
retrouve la réalité.
Enfin, nos échanges autour
du théâtre se terminent avec les
saynètes, mises en scène courtes et accessibles au plus grand nombre :
Roland Dubillard et « Diablogues » dont le format très court permet
un accès et une réflexion avec des jeunes : extrait
Nous rappelons que l’Espace
Jeunes de Le Verger propose cette année une activité théâtre le vendredi soir à
19h.
Ainsi se termine le compte-rendu de notre réunion mensuelle encore un
peu long… Qu’il est difficile de faire des coupes dans nos échanges ! Cela
donne l’impression que nous avons été
hyper sérieux tout au long de ce café littéraire… Alors pour modérer cette
impression, voici quelques à-côtés que j’ai dû couper au montage :
- « Pourquoi le chat ronronne ? » … si vous voulez la
réponse, demandez à Gaëlle, je suis sûre qu’elle l’a retenue
- « Pierre Bourdieu avait-il une famille ? » … là, c’est
Raphaël qui cherche toujours la réponse, je crois…
- « et les anti-héros ? », on en reparlera avec François
la prochaine fois…
- taffetas, liberty, et potager ont également eu une belle place !
- et je ne peux oublier le dialogue hallucinant de Delphine et Stéphane
ou les vaines tentatives de Stéphane2 pour aider Raphaël à accéder aux notions
scientifiques du genre humain…
Pour la prochaine séance, François,
nous ayant rejoint en fin de réunion, a émis le souhait de travailler sur
l’Enfance dans la littérature. Ce sera donc le prochain thème, assez
transversal qui devrait nous apporter une belle diversité d’ouvrages. Alors si
vous souhaitez vous joindre à nous, n’hésitez pas : ce sera le vendredi 6
novembre. A 20 heures, hein, Gaëlle ?