EXTRAITS DE TEXTE
Extrait 1 en lien avec le thème de la Danse (p.55) :
« Une fois à bord, il lui restait encore une heure de
trajet jusqu’au point de pêche, une heure encore pour dérouler la ligne mère et
la lester des ancres secondaires – une vingtaine de pierres plates prises dans
des anses de corde qui assuraient sa stabilité -, après quoi elle allait dans
la crique la plus proche attendre trois ou quatre heures, le temps que les poissons mordent.
C’était, de loin, son moment préféré, le seul de toute la journée qu’elle
aimait vraiment. Elle le consacrait à son « tourbillon ».
Heureusement qu’il y avait le tourbillon…Trois ou quatre heures à écouter la
voix âpre et déchirante de Sotia Bellou et à tourbillonner dans un abandon
total sur le petit espace de pont qui n’était pas encombré. Elle mettait la
musique à plein volume et, seule dans la crique, dansait le rebetiko, la danse
des hommes malheureux. Les bras levés au niveau des épaules, les yeux au sol,
elle suivait le rythme lent de la musique, esquissait un pas de côté, un autre
en avant, sautait, faisait un pas de côté encore, puis un autre en arrière et
ainsi de suite. Elle s’esquintait à tourner et tourner encore, els yeux au sol,
jusqu’à ce que vienne le temps de relever la palangre. Elle tourbillonnant
ainsi chaque nuit ou chaque aube, selon la saison et par tout temps. Sotira
Bellou chantait le désespoir, ou plutôt, elle le hurlait, et Maraki se disait
qu’elle le chantait pour elle, pour ceux dont l’horizon était sans horizon, et
elle lui répondait en tourbillonnant au rythme de sa plainte. »
Extrait 2 en (re)pensant aux coquelicots (p.152-153) :
« Je ne t’ai pas raconté ma première visite. Je prends
la route du bord de mer, j’aperçois le théâtre et gravis le sentier qui mène à
la scène, disons : à ce qu’a dû être la scène. Et là, papa, le choc. Le
théâtre entier, de bas en haut, est submergé de coquelicots. Il y en a
partout ? Le long des allées, au pied des pierres, entre les stelles,
partout ! Des coquelicots comme je n’en ai jamais vu !
Immenses ! Et rouges, papa, rouges ! D’un rouge si chaud ! Il y
en a des milliers, peut-être des dizaines de milliers ! Je regarde le
théâtre qui m’entoure et j’ai le sentiment de me trouver au cœur d’un immense
brasier.
Je vais nager dans une crique qui s’appelle Saint-Séraphin.
C’est chaque fois le même miracle…je pense à un problème, peu importe lequel,
et les idées se mettent en place d’elles-mêmes. Tout s’enchaine comme par
miracle. Ce que je pense est fondé, logique, raisonnable. Un sentiment
délicieux me pénètre, que je n’ai jamais connu, un bien-être physique mêlé à
une agilité de l’esprit, comme si la beauté qui m’entoure avait pénétré mon
âme.
[…]
Hier je vais prendre un café et voilà que [Grigoris]
m’apporte un poème d’un certain Sikelanos. Et devine ! Le poème parle
d’Argos et de brasier ! […]
Terre d’Argos, ocre embrasé,
Ardant sous le soleil comme fer rougi
Dans le brasier des grands coquelicots. »
Gaëlle
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