samedi 11 juillet 2015

La Bande-dessinée de guerre et de reportage - lundi 6 juillet 2015

Par Raphaël, avec les relectures attentives de Stéphane et Delphine.

Réunion du lundi 6 juillet 2015


Pour cette dernière réunion avant les vacances d’été, nous avions décidé d’organiser un café-Bd en deux parties : la première à l’espace jeunes avec l’aide de Jean-Philippe et de Pauline, la seconde à notre fidèle QG du P’tit bonheur où François et Elena nous ont accueillis avec toujours autant  de chaleur.

C’est donc d’abord vers 18h que nous nous sommes retrouvés à l’espace jeunes pour visionner des extraits d’un film documentaire sur la Bd (La Bd s’en va-t-en guerre de Mark Daniels) et en débattre entre générations ; le but de cette séance étant de réunir adolescents et adultes autour de la Bd engagée et plus spécialement de la BD de reportage et de guerre.
        

Disons le simplement : nous n’avons pas fait le plein d’ados comme nous l’espérions puisque seuls Tristan, Victor, Ismaël et Noah ont répondu présent. Merci à eux ! On peut toutefois voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide et conserver la même foi qui nous anime depuis ce soir de janvier 2015 et notre premier « succès renversant » : nous semons des graines de culture, que chacun accueille selon des envies du moment, avec l’espoir qu’elles germeront ici ou là, aujourd’hui ou (après) demain.
Les bonnes surprises sont venues du côté des « grands » : avec sa 3e participation consécutive Tristan a complété sa carte de fidélité déjà bien remplie et  a signé un superbe hat-trick que les amateurs apprécieront. Cyril, dessinateur de manga et ami de Stéphane n’a pas manqué le rendez-vous et surtout le cercle s’est agrandit puisque nous avons eu le plaisir d’avoir Catherine (venue comme Cyril et Delphine avec de bien belles Bd !) et Philippe parmi nous.


Drôle d’idée de lire des Bd de guerre… Ne sommes-nous pas suffisamment envahis au quotidien d’images violentes des différents conflits (Afghanistan, Russie/Ukraine, Israël/Palestine, Syrie, Irak) et attentats terroristes qui donneraient plutôt envie, selon la formule de Stéphane Eisher de « déjeuner en paix ». Sauf qu’une Bd de guerre n’a rien à voir avec un reportage de 2mn du journal de 20h, pris entre la hausse des prix des légumes et les résultats de foot de PSG. Et encore moins l’image ludique de la guerre diffusée par les jeux vidéos ou les films à grands spectacles. Une Bd de guerre est une plongée lente et contextualisée au sein d’un conflit, au sein d’une population civile, à la découverte d’une culture, d’un pays, de ses paysages, de son histoire, de ses enfants martyres. Comme l’indique Patrick Chappatte, dessinateur-reporter pour le journal suisse Le Temps, « c’est à travers une personne, c’est à travers un mort, qu’on comprend une catastrophe collective ». Les deux maîtres mots de la Bd de guerre sont alors subjectivité (le conflit passe par le regard du dessinateur et par la voix des victimes qu’il fait témoigner) et empathie (se mettre à la place de l’autre, pour ressentir d’aussi loin que l’on se trouve quelles peuvent être ses émotions, ses peurs, ses joies liées à ses conditions d’existence).

Le documentaire aborde ainsi différents conflits à travers le travail d’une douzaine de dessinateurs-trices. Les principaux conflits contemporains (Irak, Afghanistan, Israël-Palestine), mais aussi les horreurs des guerres passées (la Shoah, Hiroshima, la guerre en Bosnie, le conflit Liban-Irak, la révolution islamiste iranienne). Que représentent-ils pour nous aujourd’hui au-delà de quelques chiffres, dates et images de livres d’histoire ? Keiji Nakasawa a vécu à 6 ans l’horreur de la bombe atomique lancée sur la population civile d’Hiroshima. Un bilan de 80 000 morts, et l’image d’un champignon atomique c’est très abstrait. Alors quand il dessine dans un manga, Gen d’Hiroshima, son histoire personnelle, le lecteur est pris de terreur à la vue de ses êtres dessinés aux corps en train de fondre. « Je voudrais que les jeunes lisent Gen d’Hiroshima et qu’ils réfléchissent à l’horreur de la guerre et de la bombe atomique. » écrivait K. Nakasawa (1939-2012) peu de temps avant son décès.

  
          Keiji Nakasawa


La discussion engagée par Tristan et Philippe sur l’impact des images du manga en comparaison des images filmées des rescapées de la bombe atomique montre que son vœu ne restera pas lettre morte.

Que reste-t-il d’une première incursion dans la Bd de reportage ? D’abord l’idée – la trace - pour les ados et pour les néophytes de ce genre littéraire, que la Bd est un art à part entière qui peut aborder les sujets les plus graves et les plus sérieux. Quand Maus d’Art Spiegelman – qui traite de la Shoah - reçoit le prestigieux prix Pulitzer en 1992, la Bd acquiert d’un seul coup une légitimité nouvelle qu’on ne lui avait jamais accordée. Ensuite, que la guerre fait surtout des victimes parmi les populations civiles, et que seul un travail de terrain permet de faire exister ces souffrances et drames invisibles. Enfin, que la Bd de guerre est une porte d’entrée vers la connaissance, car si, comme le dit Joe Sacco, personne n’aurait le courage d’ouvrir un essai de plusieurs centaines de pages sur les techniques de torture, la force visuelle d’une Bd et l’empathie pour ses personnages peut nous intéresser à ce sujet.

***

Après cette riche introduction sur la Bd de guerre, nous nous sommes retrouvés entre adultes au P’tit bonheur vers 20h30 pour prolonger la discussion… et animer le débat d’un bon verre de cidre ou d’une bière du pays. Nous y avons été rejoints par Gaëlle et Aimé, autres fidèles du rdv littéraire de Le Verger, et par François qui a su trouver du temps pour nous accompagner dans nos échanges et inévitables digressions. Une tablée d’une dizaine de personnes un soir d’été, réunies par l’envie de partager des lectures, des films et des points de vue sur l’histoire ou sur la vie c’est un beau cadeau qu’il faut savoir apprécier ! C’est donc au milieu d’un bel enthousiasme que François nous a parlé de la Bd Il était une fois en France, dont le tome 1 est à la bibliothèque. Cette série en 6 tomes qui raconte l’histoire trouble d’un affairiste pendant la seconde guerre mondiale mérite le détour. Que Cyril et Stéphane aient connu au lycée le dessinateur Sylvain Vallée n’en est que plus attachant.


                          
                                                  

De son côté Aimé a mis à l’honneur les Idées noires de Franquin, tandis que Delphine, fibre écologique  oblige, nous a fait rire avec Il faut tuer José Bové de Jul (l’auteur de Silex and the City). Catherine a fait prendre l’air à sa bdthèque. Si elle lit ce blog, je voudrais qu’elle sache que même en ne l’ayant côtoyé qu’une petite soirée, j’ai déjà une grande affection pour la lectrice éclairée qu’elle est. Imaginez sur une table Palestine (Joe Sacco), Le cri du peuple (Tardi), Là où vont nos père (Shaun Tan), Le photographe (Guibert-Lefèvre), d’autres albums du même tonneau (Astérix chez les Bretons…) et une Bd sur le Chili dont je n’ai malheureusement pas noté le titre et l’auteur, et vous aurez un bon portrait crayonné de Catherine.

            Ça y est, j’ai écrit plus de deux pages et on me dit déjà que je ne serai pas lu. Trop long bien sûr. J’abrège alors en regrettant de ne pas avoir abordé les digressions sur la collection bd-jazz, sur les films de John Cassavetes et de Wim Wenders, sur nos réflexions sur l’antisémitisme d’hier à aujourd’hui, sur le théâtre et sur tout ce que j’ai loupé en bout de table ou tout ce qui ne me revient plus alors que mes doigts dansent sur le clavier.

            En quittant le bar nous nous sommes attardés dans la douceur du soir pour discuter du prochain café-littéraire. Le thème du théâtre pour la rentrée ? Pourquoi pas... Une lecture d’été commune est suggérée : Cyrano de Bergerac. Une soirée jeux est également en préparation avec François. Bref, des projets plein la tête pour occuper l'été.



3 commentaires:

  1. Merci pour cette excellente initiative, j'espère pouvoir venir à la prochaine réunion!!

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    1. Bonjour Ben 35,

      Merci pour votre commentaire qui nous encourage à poursuivre l'aventure du café-littéraire sur Le Verger. N'hésitez pas à nous faire part de vos remarques sur les compte-rendus publiés, sur vos lectures...
      Nous mettrons sur le blog la date de la prochaine réunion qui portera sur le théâtre. J'espère que nous y ferons connaissance.

      Cordialement
      Raphaël et L'équipe du café-littéraire

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  2. ralala ton article me fait regretter une fois de plus de ne pas avoir pu être là ! Je vais allez zieuter du côté de vos lectures et m'attaquer à Cyrano pour le prochain ! Bon mois d'août à tous !

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