jeudi 10 novembre 2016

Trump et après ? Penser le populisme.



    L'élection présidentielle américaine a rendu son verdict. Le milliardaire et candidat surprise du parti républicain, Donald Trump, a obtenu la majorité des grands électeurs nécessaires pour remporter cette élection. Il deviendra le 20 janvier 2017 le 45e président des Etats-Unis. La défaite d'Hillary Clinton, candidate démocrate trop proche des milieux financiers et trop enracinée dans la classe politique pour convaincre le peuple américain, est sans appel. Ceci d'autant plus que le parti républicain disposera des pleins pouvoirs dès lors qu'il vient de gagner le Sénat et la Chambre des représentants (qui constituent le Congrès) et qu'il étendra par le jeu des nominations du président son emprise sur la Cour suprême (le pouvoir judiciaire dans les institutions américaines). Entre son programme de baisse d'impôts (pour les plus riches et pour les entreprises), la remise en cause de l'Obamacare (système de santé pour les plus pauvres), et son animosité à l'égard des minorités, il n'est pas certain que D. Trump améliore les conditions de vie des américains exclus depuis la crise financière de 2008 des gains de la reprise économique.

    Avec Victor Orban en Hongrie, le parti ultraconservateur de Jaroslaw Kaczynski en Pologne, la montée de l'AFD (Alternative Für Deutschland) en Allemagne, Recep Tayyip Erdogan en Turquie, Vladimir Poutine en Russie, l'UKIP (qui a favorisé le Brexit) au Royaume-Uni et enfin Marine Le Pen en France, de nombreux politologues ou philosophes évoquent une montée des populismes dans un contexte d'affaiblissement du fonctionnement des démocraties représentatives.

   A quel point cette dérive populiste est-elle une menace pour les démocraties occidentales ? Les différents leaders politiques cités plus haut expriment-ils vraiment "la voix du peuple" qu'ils prétendent incarner face à des élites corrompues ?

     On peut se demander ce que tout ceci vient faire sur le site d'un blog littéraire. Sauf à considérer que la littérature est par essence une activité politique, dès lors qu'elle vise à penser - voire à réenchanter - le monde. Un récent essai de l'universitaire allemand Jan-Werner Müller paru en octobre 2016 peut contribuer à éclairer le débat. Il s'intitule Qu'est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace (éditions Premier Parallèle). Un article du Télérama n°3486 du 2 novembre 2016, paru juste avant l'élection de Donald Trump, permet de se faire une idée des principales réflexions développées dans cet ouvrage salutaire. Le site de l'éditeur propose également en vidéo une interview de l'auteur (ici).

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       Reste une question majeure. Comment restaurer un lien politique qui tournerait le dos aux tentations populistes-nationalistes dans un contexte de déclassement accéléré des classes populaires-moyennes et de peurs liées à une mondialisation non maîtrisée ? Ni les beaux discours, ni la littérature n'y suffiront. Seules de véritables politiques de protection sociale mettant fin à la logique d'austérité et au néolibéralisme pourraient entamer un tel processus. C'est cette organisation d'une société plus juste et solidaire que défendent les films de Ken Loach, I Daniel Blake, et de Gilles Perret, La Sociale. Ils sont actuellement à l'affiche. Combinés avec l'ouvrage de Jan-Werner Müller ils constituent une belle occasion de penser autrement le monde qui vient. Une manière d'alimenter l'imaginaire politique nécessaire à une nouvelle lutte des classes qui favoriserait l'intersection des différentes formes d'oppression. Et peut-être ainsi d'éviter le pire.

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Liens de lecture :

article de Télérama 1
article de Télérama 2
article de Télérama 3
article de Pierre Rosanvallon dans le Monde

Pour aller + loin :

- Le Monde (supplément Idées) du samedi 12/11/16 propose un article de fond sur le populisme.
- Le Télérama 3488 du 16/11/16 publie une riche interview de l'essayiste américain Chris Hedges.
- Depuis le 14/11/16 Brice Couturier consacre ses chroniques à l'analyse du résultat des élections américaines. France Culture, Le Tour du monde des idées (ici)
La chronique du 21/11/16 détaille la géographie électorale du vote Trump et révèle le retour d'un vote de classe, tout autant qu'un vote anti-écologiste.
- le sociologue Eric Fassin, qui publie un essai intitulé Populisme : le grand ressentiment, était l'invité de l'émission La Suite dans les idées sur France Culture le 4 mars 2017 (ici). Il s'inquiète de la tentation d'une partie de la gauche de reprendre à son compte la terminologie du populisme. L'entretien radiophonique est éclairant et passionnant. Sa référence à Stuart Hall et à son essai sur le populisme autoritaire de l'ère Thatcher ouvre de nouvelles pistes de lecture et de réflexion bien stimulantes.

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Résistance et fraternité
Raphaël


PS : pour rire un peu de tout ça, sinon on ne tiendra pas, une petite vidéo conseillée par une amie (merci Armelle) ici.

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