jeudi 16 février 2017

La Résistance - brunch littéraire du 5 février 2017



Brunch littéraire du 5 février 2017

Poser ma plume pour conter notre brunch littéraire de ce 5 février… Quelle fantaisie ! Mais quel honneur aussi de relayer Raphaël dans la tenue de ce blog narrant nos rencontres mensuelles - et à l’occasion, donnant à lire et à réfléchir sur cette société dans laquelle - de laquelle ? - nous vivons.
Ce mois-ci, François a obtenu gain de cause : nous avions pour mission de nous pencher sur un thème qui lui tenait à cœur.

Résistance.

Contrairement à nos habitudes, cette fois-ci pas de secrétaire désigné. Juste quelques notes prises par Raphaël au sortir du café pour se rappeler de nos lectures. Et transmises à tous telles une bouteille à la mer, un appel à l’écriture, à la narration. Impossible pour moi de ne pas relever le défi. Me voici donc au milieu de la nuit en train de coucher ces mots sur le papier.
Et pas de notes veut dire juste un travail de mémoire sans préparation… Alors pas de travail chronologique pour moi, je vais faire le tour de nos palabres et des références amenées par les uns et les autres à travers les divers points de vue qui surgissent de ma mémoire.



Définir le thème

Résister. Raphaël nous a encore déniché au fin fond de sa réserve (le CDI de son lycée mais chuuuut…) une pépite : un numéro de Le Monde Idées dans lequel Alain Rey nous livre la définition de ce verbe. Resistere. Non pas le re de la répétition mais le re de l’intensif. Pour se tenir debout et se maintenir envers et contre ce qui nous fait obstacle, nous menace. Un mot assez peu ancien et dont la signification n’a que très peu évoluée.
Le mot « Résistance » apparaît plus tard, d’abord sous la forme de « résistence » puis sous sa forme moderne et avec la seconde guerre mondiale, il prendra le sens qu’on lui donne aujourd’hui et qui se rapporte plutôt à la résistance active face à des dangers qui menacent la société.
Une fois ces deux définitions posées, les différents ouvrages que nous avons apportés ont présenté l’un ou l’autre ou les deux pans de la signification : résister en restant debout ou résister en agissant contre ? Cela va alimenter le débat au fil de nos lectures.

Se présenter debout et ne pas bouger - pour faire bouger les autres

C’est une manière de résister en continu, sans à-coups, sans coups d’éclat que l’on retrouve dans plusieurs de nos ouvrages. 

Tout d’abord dans Un homme est mort de Etienne Davodeau et Kris, présenté par Delphine. L’histoire en bande dessinée d’un documentaire tourné par René Vautier sur un poème de Paul Eluard, lors des manifestations ouvrières de 1950 sur les chantiers de la reconstruction de Brest. Un documentaire tourné pour soutenir un mouvement de revendication salariale alors qu’un homme a été tué lors de la première manifestation syndicale. Un documentaire présenté 84 fois pour témoigner de ce drame, pendant que les manifestations et négociations continuent.

 Ensuite, Le cortège des vainqueurs de Max Gallo et présenté par Efisio, nous ramène à la seconde guerre mondiale. Mais pas en France : en Italie. L’Italie de Mussolini et de ses arditi dans lesquels un jeune homme va se retrouver engagé bien que ses convictions ne le poussent pas vers un soutien sans faille au fascisme. Dans ce roman, le jeune héros restera à son poste faisant de son mieux pour minimiser les conséquences de ses actes. Le débat s’ouvre sur sa qualité de résistant : en effet, il ne contre pas franchement le régime, il ne mène pas d’action contre les actions inhumaines qu’on lui ordonne de faire. Mais il reste à cette place malgré tout parce que s’il abandonnait, un autre pire que lui prendrait sa place, il reste pour filtrer au mieux, limiter la barbarie. Alors cela peut s’apparenter à une forme de résistance selon certains d’entre nous, pas pour d’autres. Difficile de trancher.


Un deuxième ouvrage décrivant cette période permet également de mettre en lumière cette difficulté à « entrer en résistance » : il s’agit du second tome du Siècle - L'hiver du monde de Ken Follet que j’ai apporté avec moi. Ken Follet a cette particularité intéressante de plonger le lecteur dans le quotidien « populaire » des hommes et des femmes de l’histoire. Des familles disséminées de par le monde, en interaction plus ou moins importantes entre elles, confrontées de plus ou moins près à la guerre. Il nous fait ressentir les dilemmes de choix que ces personnes ont dû affronter, les convictions personnelles qu’elles se sont forgées, les limites qu’elles ont dû accepter. Si on peut choisir pour nous, nos propres actions, on ne peut le faire pour les autres mais on peut essayer de comprendre les ressorts de leurs motivations, de leurs choix. Lâcheté ou protection ? Respect des procédures ou attaques frontales ? Selon son milieu, son caractère, son entourage, nos choix ne sont peut-être pas si libres que l’on croit.


Et enfin, Le silence de la mer de Vercors, apporté par Aimé présente également cette résistance silencieuse mais cette fois-ci au sens propre du terme : un vieil homme et sa nièce ont décidé de ne pas dire un mot à l’officier allemand qui a réquisitionné une chambre chez eux. Cependant, peu à peu, ce dernier va percer leur résistance et les amener à comprendre que ce qu’il représente n’est pas celui qu’il est. Profondément humaniste, il cherchera à leur faire comprendre qu’il cherche le partage de culture et pas l’imposition de la sienne. 

Contrairement aux Rhinocéros de Ionesco, apporté par Raphaël, qui, carapaces en place, voient peu à peu leurs rangs grossir à force de persuasion et de « chants », laissant le dernier humain douter de la légitimité de sa résistance finale alors que sa propre épouse finit par céder aux chants des sirènes et les trouver beaux… Peut-on encore résister quand on se retrouve isolé et que tous autour de nous ont fini par se ranger à l’avis de la majorité ? Est-il possible de garder nos convictions envers et contre tous ? Ionesco nous laisse libres de trouver des solutions…

 

Se battre contre pour mieux résister

Certains auteurs choisissent d’affronter à visage découvert ce qui leur paraît inadmissible. C’est le cas de Stéphane Hessel avec Indignez-vous, apporté par Stéphane L.. Ce petit opus contemporain prend également ses références dans la seconde guerre mondiale et les confrontent au monde actuel pour rappeler qu’il est du devoir de chacun de s’indigner quand des exactions sont commises.
En contrepoint, Stéphane nous a aussi apporté Epilez-vous d’Aristophane Aisselle, paru peu de temps après le premier et présentant des convictions identiques sur le fond mais étant bien plus dubitatif sur l’impact d’un tel livre, les auteurs ont choisi de traiter le sujet par l’humour, avec beaucoup d‘ironie.


Et si l’humour était une clé de résistance ?

Gaëlle y croit aussi puisqu’elle a choisi de nous présenter Imaqa, de Flemming Jensen. Ce livre raconte comment le peuple groenlandais par sa manière joyeuse de vivre arrive à séduire un enseignant danois venu sur leurs terres les « convertir » aux traditions de leur pays de rattachement, ralentissant ainsi le déclin de leur culture, celle qui leur permet de se nourrir, se loger, se vêtir, bref, de vivre en fonction de leurs conditions naturelles et non en fonction de la société de consommation…


Si les groenlandais se battent en riant, d’autres le font en écrivant de la fiction.

C’est le cas de Robert Heinlein pour lequel Stéphane H. nous a apporté une analyse avec Solutions non satisfaisantes, une anatomie de Robert Heinlein, écrit par Ugo Bellagamba et Eric Picholle. Cet auteur de science-fiction aura en effet, au fil de ses romans, testé de nombreuses solutions aux différents problèmes de son époque. L’insistance dont il fait preuve serait une forme de résistance contre le flux généralisé de la société à nous entraîner dans ses fonctionnements.
De nombreux auteurs ont d’ailleurs contribué à présenter des pistes pour mieux résister. C’est le cas dans le recueil présenté par Raphaël : Et nous vivrons des jours heureux regroupe les textes de 100 auteurs « pour résister et créer », proposant de nouvelles voies pour mieux vivre notre démocratie dans tous ses aspects, vers une transformation profonde de la société.


Se battre contre des actes malveillants ou contre le temps qui court ?

Résister à la pression de la société. Finalement c’est aussi une forme de résistance de ne pas se laisser entraîner malgré nous dans une direction qui ne nous conviendrait pas. 
L’art de la sieste de Thierry Paquot va dans ce sens, nous conseillant de profiter de ces temps de sieste pour retrouver la maîtrise de notre temps. Paradoxal mais salutaire paraît-il !
Dans la même veine, Stéphane L. a apporté un petit rappel pour éviter de se reposer sur ses lauriers : Les Miscellanées de M. Schott, à consulter quand son cerveau tourne en boucle, histoire de se réveiller les neurones ! (Il nous l’avait déjà présenté lors d'un précédent café). 

Et voilà arrivée la fin de mes souvenirs de notre rencontre de février... 

Et c’est donc à ce moment de mon compte-rendu que je dois piteusement reconnaître qu’il manque deux livres… deux livres dont je n’ai absolument aucun souvenir… à ma décharge, je ne dois pas être la seule, parce que, oui, ça m’arrive souvent de parler toute seule, c’est vrai mais pas quand je suis en bonne compagnie !
Donc je vous présente deux ouvrages supplémentaires dont certains ont sans doute disséqué le contenu :
Présenté par Stéphane H. : Ni Dieu, ni Maître, la référence des anarchistes, résistants car opposé à une organisation sociétale (nan ? désolée, j’ai rien entendu M’sieur…)
Présenté par Raphaël : De la démocratie en Amérique de Tocqueville, qui analyse les particularités de la démocratie américaine.


Pour le prochain brunch (premier dimanche de mars ?), nous n’avons pas encore décidé du thème… Le printemps ne sera pas loin, les idées feront comme les bourgeons, elles émergeront bientôt ;) .



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